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Ex-Absentia
2 juin 2012

L'Autre Aurore

 

sylvaine vaucher 211794937 

Un soir de vent prépare son monde. Albatros brûlant, naufragé du ciel, dément à s’en brûler les ailes sous les décombres des villes, fou à sangloter dans un rire. L’antre est plongé dans le noir et nous ressemble plus que jamais, nous et nos pauvres mystères opaques. Valse des flammes enlacées aux miroirs. Briques, cœurs, bois, bouches, plongés dans le noir. Derrière la porte, la pluie se prépare, l’orage repasse sa robe de bal.
La cire coule ses continents sur l’ambre du marbre et vacillent les ombres, infimes soupirs.
Le vent apprête et rugit son monde.

Et si pour une fois, en ce chagrin, en cette silhouette du renoncement, j’avais une longueur d’avance sur moi-même…
Cela exige de risquer ? Risquons.
Cela exige de perdre ? Perdons.
Ce qui se déchire en moi est peut-être ma vraie déchirure… Fissure par où renaître des cuisses du monde.
Et si, au bout du compte, à écouter le vent, on entendait bruire en lui ce qui n’est pas advenu.
Et si chantaient dans ses cordes d’improbables lendemains sur lesquels déposer les guerres de ce jour.
Et si nous cherchions à traduire ce qui n’est pas encore écrit.
Et si la vérité était ailleurs. Sur la page de ce qui reste à inventer… avec les bougies de ce soir, avec ce chagrin et cette envie d’en finir...
Et si la vérité était au bout du vent, derrière l’orage et la valse des flammes.

Vois, ce fragile bambin. Comme il se jette sans filet, sans poser le doute de demain. La chute sera peut-être rude mais le sommet le valait bien. Vois comme il se joue d’un arbre et se déguise d’une ombre. Comme il défie les mythes et les nuages.
Notre seule richesse tient dans ces poches tombantes de billes et d’osselets.
Notre seule âme est au ciel des phares, marelles de craie dessinées sur l’éphémère du pavé.
Notre seul corps est de courir cette vie, avec un lierre d’étoiles au fond du ventre, et qui grimpe, grimpe, la constellation d’une lumière encore vibrante.

Et si les cendres de ce soir n’étaient que le bâti d’une autre aurore ?

C’est comme laisser partir une histoire d’amour. Ca vous arrache un bras. Ca vous ampute l’histoire.
A rebours. Le livre d’images feuillette son rêve. Revient aux nerfs des premières sèves. Tout est passé par là. Tout a foulé le chemin. Les regrets, les dédains, les larmes et les reproches. Mais, tout a eu beau crisser et rompre, perdre et mourir, à les retrouver là, plongés dans les brouillons d’une vie, rencontrons malgré nous l’enfant du tout premier espoir… l’oiseau du tout premier amour.
Le corps qui court cette vie, la lumière encore vibrante.
Je pense à ton départ, à ton sourire, tes épaules, à la fossette de ton rêve quand il regagnait mes mains, aux rides de tes yeux quand elles se berçaient d’enfance à l’angle de mes reins, à ton souffle, tes mots, la musique de nos étoiles, les noires de ton pouls, les blanches de ton attente, les croches de ton désir, à ton exil, à tes déroutes, à l’oiseau de ta voix qui m’envolait, à la caresse de ta peau qui me réparait, au voyage de ton regard sur le quai de ce train, quand tu ne m’as pas dit Viens…
Je pense aux bagages que j’ai déposés dans tes yeux, ce jour là trouble comme un songe, clair comme un serment, ce jour là qui ne croyait plus voir de nuit…

Un soir de vent dans l’être, un soir d’orage dans les veines, et qui prépare son monde. Lisse et lave, jette et range. Poussière, cendres, gravats de soi. Chimères, chemins, décombres d’hier. Capituler. Faire de la place pour demain. Un soir qui se ferme comme une main sur une poignée de sable, d’hivers et d’amours, d’autres et d’ailleurs. Dérapent les doigts sur la peau d’une pluie.
Une main qui t’en remets au vent et ferme sa caresse.

 

Crédit Photo : Sylvaine Vaucher 

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