Latitudes
Petite mer. Faible courant. Marrée basse. Tentatives d’exil échouées par manque de vent dans les voiles. Manque de temps dans les ailes. De mystères mauves et d’éternités bleues. Retour au port. Rester un peu seule, retrouver le zinc d’éther et d’espoir. Le comptoir des choses nues, par où frôler le jour et caresser nos peaux, par où peut-être reconquérir l’être. Prétendre à la vie, de la simplicité de l’aube à l’humilité des étoiles. Retour au port, les ailes collées d’histoires. Réparer ma coque d’amour et de mots. Retrouver loin de toi mais loin en moi le large de tes yeux, la traversée de notre rêve, l’horizon de nous deux. Besoin de mettre des métaphores dans le chao, des kyrielles d’ambre dans les coulisses des corps, des sémaphores sur mes flots. M’asseoir là où ça vibre encore, là où ça tremble par tous les pores, sur ce coin de pavé usé par la vague et ses montées de sève. Là, juste là, au bout de la jetée, à respirer encore et de plus près l’embrun salé des sanglots de la mer. Puiser dans ses pleurs la force de consoler les miens. Retrouver l’or des désespérés, l’ancre des mourants : brûler à en périr la vie. Puis revenir, enfin, pleine de soupirs et d’images, d’encre et de soleils qui durent en soi. Etre là, sans jadis ni demain, sentir cette réconciliation rare : une justesse qui sauve la solitude de mon regard.
Crédit Photo : Thierry Weber