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Ex-Absentia
12 novembre 2011

Le monde tu

58496243 

Il est des jours où le déluge est si grand qu’on ne sait plus bien comment pleurer sa rage. Et que ça voudrait griffer, rugir, frapper, et que ça voudrait juste vouloir. Se caler au zinc des souvenirs, dans l’ombre fugitive des réverbères. Eprouver encore quelque chose
pour demain. Et que ça voudrait se promettre de pas finir.

Mais voilà. Rien qui ne vient en ces nuits trop pâles. Ni les mots, ni les cris, ni les larmes. Rien qu’un désert dans l’antre, un gouffre à franchir sous les étoiles, un enfant qui pleure au fond du ventre. Ca n’est qu’un soir de soi sans d’autre attente que de passer la nuit.

Alors voilà… Juste se taire. Ne plus parler.
Ne plus écrire. Tolérer d’être vain. Accepter de finir. Il n’y a plus de cris ? S’épargner la rumeur du monde. Il n’y a plus de larmes ? Endurer la sécheresse de vivre. Voilà. Ce qu’il faut faire. S’accouder au balcon, et regarder passer les chats errants, sans plus de prétention que le vide. Sécher les mots, froisser les larmes. Peser ses siècles d’humain et être léger comme trois fois rien. Pas plus qu’une alouette, pas moins qu’une femme. A graver son vol sur l’aile cristalline des nuits. 

Gommer l’histoire. Juste une seconde. Se la faire sans. Revenir à l’instant d’avant. Quand le jour était encore debout, nos âmes étreintes, nos papillons encore capables de voler… Suturer la plaie avec ce qui nous reste de sève. Déplier la lettre, dérouler le temps jusqu’en son commencement, saisir le sort des humbles, avouer le malentendu, et adopter la solitude, seul et vrai visage au bout de nos laisses. Défroisser l’absence. Entailler l’entaille. Soumettre l’espoir. Déchirer le rêve.

Alors voilà. Juste se taire et arrêter la course. S’extraire de la route pour enterrer le voyage. Penser aux trains partis sans nous. Aux corps ployés sous la brume des quais. Aux regards laissés derrière soi. Aux fausses manœuvres des vrais exils. Nous aurions rejoins des villes et des amours, noyé nos lassitudes au large d’îles bleues, ébloui nos chagrins dans l’opale des routes. Comme si souvent, les fantômes, encore après la fin, nous avons hantés nos ombres. Les trains s’en sont allés.
Le pavé est resté là, sous la pluie, à regarder glisser ses hommes, funambules sans fièvre ni fougue.

Il est des jours où c’est la gorge gonflée de pluie que l’on se porte dans les eaux mortes du vivre. Des jours où l’on a beau se dire, que c’est comme ça, que c’est ainsi : pas pire. Que ça arrive à d’autres, à tous, et puis certains encore tellement moins vernis. Qu’on y survit un point c’est tout. On a beau se dire oui, c’est là malgré tout, et ça vous prend de partout, la rage, la colère, la bile et l’amertume, le sang, les cris, les larmes et les morsures, ça vous prend et que vous n’êtes plus surs que ça vous rendra un jour.

Alors, oui, voilà. Juste se taire et s’accrocher en soi parce qu’il n’y a plus que ça. Parce qu’il n’y a jamais eu que ça. Soi. Soi pour ressource et certitude. Exil et refuge. Soi pour moyen, soi pour fin. Soi la terre et le toit rejoint de nos blessures.

La nuit se clôt. Le silence guette. Les ombres règnent. Les persiennes pleurent.

Ca et là quelques pas font encore larsen dans le mutisme du monde tu.

Crédit Photo : Eugeny Kozhevnikov

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Commentaires
E
Hiberne mais veille...<br /> <br /> Et vous remercie de vous.
M
De ce mutisme, <br /> <br /> éveillons l'absente.
M
Belle et tendre année à vous.
V
Le monde tu mais le je de l'ombre épouse les mots qui veillent sur le vide à combler.<br /> Bien à vous
E
Merci... à vous deux... d'être et d'avoir été... toujours dans ces parages...<br /> Merci. Oui. Vraiment.
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