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Ex-Absentia
26 février 2011

Bénis soient les oublieux…

Eugeny_Kozhevnikov_378326 

 

Les mots ne viennent pas.

C’est là ça s’engouffre, ça s’empile, les émotions, les ressacs, les baisers, les nuits, c’est là, sans langage, simplement là, comme hier. L’ombre d’une ombre reflétée sur la pierre.

 

Sauf qu’hier ça nous faisait respirer large.

Hier était aussi sans mot, mais hier avait un corps souple et tendre comme les premières neiges, hier avait des poumons grands comme les continents qu’on rêvait de franchir.

Hier était la bouche tue de nos espoirs. Hier était le non encore dit, le non encore advenu, le non encore éclôt de nos histoires.

 

Aujourd’hui est autre chose, aujourd’hui n’est que le sourd muet d’hier. Un avorton, l’inachevé d’une tendresse.

 

Si les mots ne venaient pas c’est qu’ils avaient à vivre, d’abord.

Les mots d’aujourd’hui sont trop tard.

 

Non, les mots ne viennent pas.

Je crois me souvenir, pourtant que j’étais sur le point d’écrire. Une vague histoire d’amnésie mêlée d’amour. C’est drôle aujourd’hui, presque drôle, cette femme que tu m’as empêchée de rêver.

Peut-être enfin, avec l’oiseau blessé qui brûle sous ma peau, je dirai le chemin de cette vagabonde… la tragédie de cette sans souvenir.

 

Ce que j’ai perdu méritait-il que je le trouve ?

Ce que j’ai aimé méritait-il que je le pleure ?

« Bénis soient les oublieux … »  dit le poème.

 

J’étais sur le point de mettre au monde cette femme donc, puis cet homme qui n’était plus rien pour elle, mais qu’elle sentait avoir aimé de toute son âme.

Comment ça serait si je t’oubliais ? Si je n’avais pas couru les routes pour te rejoindre si je n’avais pas connu le rauque de ta voix, si je n’avais pas peuplé mes lèvres de tes mots, si je n’avais pas partagé tes draps de nuit, frôlé tes peurs d’enfant ?

Comment ça serait sans l’idée de toi ? Sans ce crépuscule où nos corps ont basculés, sans cette foudre, ce voyage, cet albatros dont tu m’as bercée ? Sans ce fer dont tu m’as blessée ?

Qu’aurais-je vécu entre moi et moi ?

 

 

C’est le hasard qui sépare le début de la fin.

Tout le malheur vient de là. Toute cette amertume qui nous courtise, nous adopte et nous dresse à mesure que le temps nous fait chagrins, elle vient de là.

C’est le hasard qui sépare le début de la fin. De l’amour. De l’histoire. De la mort. De tout ce qui fait matière, émotion, sentiment.

 

Je t’ai rencontré par hasard, mon bel estropié… Comme nous sommes nés au hasard de deux hasards qui se rencontraient.

Mais comme eux, comme tous, comme eux, nous et rien, ne se termine jamais pas hasard.

Tout le malheur vient de là.

 

Les mots ne viennent pas car ils ne sont d’aucun secours au ventre qui les attend.

Comme l’amour. Putain d’amour. Qui donne envie de crier, de pleurer, de rompre, de tomber à terre…

 

jusqu’à la prochaine faille par où le ciel nous dira de survivre.

 

Recycler ses doutes. Voilà ce qu’est Ecrire. Faire quelque chose de tout ce vain. Lutter contre la mort d’amour, lutter contre l’oubli, lutter contre cette poussière qui s’amasse entre nos corps,

qu’un jour nous nommerons souvenirs.

S’enflammer pour ce qui nous brûle.

 

Aujourd’hui, en ces mots qui ne viennent pas, j’écris pour ne pas pleurer.

Pour déguiser mes sanglots.

Tromper l’ennui.

Travestir le rêve qui me fit naître.

Pour ne pas tomber, fêler, pour ne pas mourir.

 

J’ai menti… les mots sont au moins de ce secours.

 

 Crédit Photo : Eugeny_Kozhevnikov

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Commentaires
V
Bonjour ExA, <br /> Or donc, avez-vous auditionné quelque phonème sur le mot "aime" ? :-)
V
ExA, <br /> Je suis en révolte contre la comm' actuelle dans laquelle les lecteurs en général (eux sont pas à l'adresse indiquée, pas les mots) sont impliqués. C'est pourquoi je me taire (sic). Mais pour vous je ferais bien "la promo", si je savais ! Vous pourriez déjà tenter de vous filmer en train de lire, non, à titre d'essai ? Et puis soumettre la vidéo à quelques personnes de votre choix, non ? (euh, prunch ! -c'est moi qui ait eu l'idée!) Et puis à un imprésario, et puis et puis ... ! Non, pas TF1 svp ! (je plaisante)
E
Merci Maria, Merci GL, d'être toujours dans mes sillages, comme des libellules posées sur les flots, qui aident en silence les circonvolutes à continuer d'exister...<br /> <br /> Varna, je ne suis pas certaine de comprendre votre premier message, ces "mots qui n'habitent plus à l'adresse indiquée" ?<br /> Pour ce qui est de lire mes textes, je ne crois pas être prête à franchir ce pas, je ne crois pas être à la hauteur de ce travail, je ne crois pas... mais votre suggestion m'interpelle en tout cas.<br /> <br /> A bientôt de vous lire. (Où ? Mais où donc ?Avez-vous vous aussi déménagé sans laisser d'adresse ?)
V
Ex-A, puis-je (peut-on) espérer un jour vous voir, lisant vos textes ? Peut-être même que dans la vidéo s'intercaleraient quelques compositions d'images associées ? Bref, votre travail mérite vraiment un pareil déploiement ! <br /> (A mon sens, sans musique. La musique, là, serait de trop.)<br /> A vous de (nous) voir ! :-)
G
Combien on se retrouve sur cette île qui porte tant de nos espoirs, nos désespoirs. Chacune, chacun est une île en soi. Quelle belle écriture qui me remue, me fait trembler, me fait pleurer. Merci...
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